LA CITÉ

UNE ANTHROPOLOGIE PHOTOGRAPHIQUE

Camilo LEON-QUIJANO

QR code

CHAPITRE 1 


La cité nouvelle

Sarcelles, un grand ensemble I.

Reportage: Pierre Carpentier.

Institut pédagogique national.

1969

Disponible en ligne ici : 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1320512c/f1

Marcher aux Flanades

Quarante-mille voisins 
Cinq colonnes à la une 02.12.1960 
14:21 
Radiodiffusion Télévision Française 

Disponible en ligne ici : 

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf89007746/quarante-mille-voisins

Exotisation et capital visuel


Vue de l’extérieur, Sarcelles reste un territoire énigmatique, problématique, attaché à l’imaginaire anomique d’une ville délaissée. Ce dernier, en partie construit sur la base de discours exotisants, et dont la sarcellite est le symbole, se concrétise dans la figure plus large de la banlieue, et par extension du « banlieusard ».

Un capital visuel, exploité par un ensemble d’acteurs médiatiques, institutionnels et politiques pèse donc lourdement sur cette ville. Symbole des banlieues françaises, Sarcelles est bien plus qu’une ville rêvée. Elle fait l’objet de représentations d’une urbanité disruptive. Elle fait partie des espaces autour desquels se façonne un discours autour « d’un apartheid territorial, social, ethnique »[1]

Du fait de son histoire, les acteurs politiques ont compris l’importance de Sarcelles dans l’imaginaire collectif français. Lors de mon enquête de terrain, un évènement a particulièrement marqué l’actualité de 2017 : la visite d’Emmanuel Macron.


Avant d’entrer dans les détails, il convient de remettre l’événement en contexte et de revenir sur les raisons qui ont motivé la venue de l’actuel président. La veille de la visite, Emmanuel Macron rend visite aux salariés du site Whirpool à Amiens. L’homme politique, qui traverse l’un des moments les plus cruciaux de sa campagne présidentielle est hué par les salariés à l’usine. C’est son adversaire politique, Marine Le Pen, également présente sur le site ce jour-là qui « remporte » le duel médiatique improvisé grâce à une tactique politicienne très efficace. Accueillie favorablement par les ouvriers, elle se place du côté des travailleurs et est présentée par les médias comme candidate « du peuple », opposée au modèle ultralibéral promu par le candidat Macron.


Pour redorer son blason ce dernier décide de se rendre en banlieue. Le « candidat des élites » se rend le lendemain à Sarcelles le 27 Avril 2017, en annonçant sa venue à la dernière minute. Au programme : rencontre avec des policiers et avec une association sportive. La visite débute à 16h à la sortie des écoles. Le moment est bien choisi. Sous un grand soleil, Macron est accueilli dans une ambiance enthousiaste et festive par les jeunes. Le candidat, qui veut se montrer dans l’un des « lieux oubliés de la République », se balade au cœur du Grand Ensemble. L’homme est acclamé, le pari semble plus que réussi. La visite s’achève sur un terrain de football, au milieu des barres d’immeubles, dans le quartier des Vignes Blanches. Le futur président, qui a parfaitement compris l’importance des images, demande à plusieurs reprises à ses collaborateurs de le photographier « avec les jeunes ». Les selfies s’enchainent et la jeunesse présente semble ravie.


Dans cette « guerre des images » entre les candidats, la visite de Macron fait la « une » du Parisien le 28 avril 2017. Le Figaro et Libération publient des articles pour parler de la riposte visuelle du candidat Macron à « l’attaque » médiatique de Le Pen à Amiens. Sarcelles revient sur scène la scène nationale par le biais d’une confrontation politique où les images jouent un rôle clé dans la configuration des rapports de pouvoir à un moment crucial des élections présidentielles.

Or, l’image de Sarcelles n’est pas vue ni vécue de manière passive par les habitant-e-s. La production, l’exposition et le partage de matériaux visuels issus de leur quotidien témoignent d’une pratique discursive active. Macron semble certes avoir gagné la bataille médiatique dans « la banlieue » en se montrant acclamé par « les jeunes » - mais d’une manière générale, l’événement suscite à posteriori colère et indignation de la part des médias et des habitant-e-s qui ont parfaitement conscience du but de la visite : réparer la fausse note visuelle et médiatique vécue le jour avant à Amiens. L’utilisation de l’image des jeunes est mal perçue au sein du milieu d’enquête. Sur le groupe Facebook d’un média citoyen, des Sarcellois critiquent Macron : certains s’en moquent, d’autres s’indignent. Le soir de l’élection de Macron, l’un d’eux publiera d’ailleurs ce message vocale sur le groupe Whats’app d’un média local :


« Salut à tous… c’est pour vous dire que ce matin j’ai eu une idée suite à la venue d’Emmanuel Macron à Sarcelles, j’étais hyperremonté, hyper vénère parce que je trouve qu’il a utilisé les Sarcellois et l’image de Sarcelles pour faire campagne de communication et notamment il a dit un truc qui m’a choqué, il a dit Marine Le Pen elle « ne peut pas venir ici ». Et ça m’a énervé parce que ça sous-entend que les Sarcellois c’est de sauvages et que Sarcelles c’est plus ou moins la jungle, et que il y a que de gens comme lui qui peuvent, se ramener ici… moi ça m’a énervé, j’aimerais qu’on fasse une réponse, une petite vidéo sous forme de micro-trottoir parce que je pense qu’il ne faut pas qu’il prenne la confiance et qu’il pense qu’il a été élu par une majorité de Français… il a été élu surtout parce que les gens voulaient faire barrage au Front National et ça il faut qu’il le comprenne bien… Parce que maintenant qu’il nous a utilisés, il faut qu’on l’utilise aussi, il faut qu’on fasse un petit renvoi d’ascenseur ».


Finalement, le micro-trottoir ne sera pas réalisé. L’indignation laisse la place à la résignation, puis à l’indifférence. Néanmoins, les réactions en ligne des internautes montrent l’importance que les habitant-e-s accordent à l’image de leur ville. Les Sarcellois-es qui réagissent en ligne se soucient de l’image de Sarcelles. Ils s’identifient à un espace de vie qui leur permet de se reconnaître comme faisant partie d’une communauté imagée.


La production d’images dans un contexte socio-spatial comme celui de Sarcelles permet de produire des récits porteurs d’une valeur sociale. Le récit mobilisé par Macron témoigne d’un certain capital visuel. Les citadins sont néanmoins attentifs aux images qui se produisent dans leurs lieux de vie. Ils connaissent le rôle que jouent les images de Sarcelles dans la construction narrative des récits politiques. Les réseaux sociaux et les pratiques conversationnelles (Gunthert 2014) constituent ainsi des modes d’action et de réaction face aux discours hégémoniques mobilisés par les acteurs politiques et médiatiques.


C’est le cas de collectifs citoyens qui se battent pour redéfinir l’image de la ville. Le collectif Made in Sarcelles organise des rencontres culturelles depuis 2015 dans l’idée de revoir l’histoire du Grand Ensemble. Créé par Fatima, une jeune Sarcelloise, le Sarcelloscope est un média qui organise des ateliers de journalisme citoyen dans les collèges et lycées pour que « les habitant-e-s puissent s’emparer de l’image de leur ville ». Biblio’tess de son côté, organise des rencontres dans un café du Grand Ensemble pour partager avec les habitant-e-s des œuvres littéraires d’autrices et d’auteurs issu-e-s des banlieues. Le Grand Défi est un collectif Sarcellois qui vient en aide aux personnes en situation de vulnérabilité en région parisienne. Il a eu une grande visibilité médiatique en 2018, ce qui lui a permis de défier l’image misérabiliste et altérisante qui pèse sur les Sarcellois-es. C’est enfin le cas de Sarcelles La Famille, qui sur sa page Facebook publie régulièrement des images d’archives de la ville mais aussi des photos du quotidien des habitant-e-s.À l’image de ces collectifs, de dizaines d’initiatives locales sont régulièrement créées et développées par les habitant-e-s, et ce, depuis la naissance du Grand Ensemble. Les Sarcellois-es ne vivent pas la stigmatisation de leur ville de façon passive, ils en sont conscients et identifient dans cette stigmatisation un véritable problème social.

Bien qu’ils soient au courant des problèmes structurels qui pèsent sur leur territoire, les citadins que j’ai rencontrés se soucient de l’image qui est véhiculée de la cité. L’une des premières choses qu’ils me demandent lorsqu’ils me rencontrent est d’aller voir « au-delà du béton, de la marginalité et de la violence ». Il ne s’agit pas de cacher la violence structurelle, symbolique et sociale qui pèse sur ce territoire, mais de rendre visible les stratégies mises en place par les citadins pour agir et contrer, à leur échelle, un stigmate socio-spatial. Mais comment faire pour « voir au-delà » des problématiques et des stigmates ? Comment faire pour explorer et comprendre la vie sociale dans la cité autrement ? Une façon de revoir le discours des citadins est d’impliquer ces derniers dans la production de nouveaux récits sur les lieux qu’ils habitent.


Deux vidéos France Info de la visite d’Emmanuel Macron à Sarcelles sont disponibles suivant ce lien


[1] Expression employée par Manuel Valls en 2015 pour parler des « ghettos et des espaces de relégation périurbaine » (Alemagna et Bretton 2015).

Macron vise la lucarne à Sarcelles

Vidéo

Quotidien - TMC

28 avril 2017

1969

CHAPITRE 2 


Comment représenter la ville ordinaire

Conservatoire du rap A2C2H

Son ambiance - Rencontre avec sportifs de haut niveau - La Cité : une anthropologie photographique

CHAPITRE 3


S'engager dans la cité


Présentation des Engraineurs

Les Engraineurs

Biblio'tess - La Cité : une anthropologie photographique

La construction des nouveaux bâtiments plus élevés et imposants entraine un bouleversement pour les habitant-e-s des alentours. Maryse est l’une des personnes qui subit les conséquences de ces changements urbains au sein même de son habitat :


« c’est triste, lamentable. Tu te souviens, avant il y avait du soleil qui rentrait par la fenêtre de la cuisine, maintenant je n’ai plus de lumière chez moi. T’as vu ce monstre peint en gris et noir, c’est épouvantable. Penser qu’un jour on a vécu de si bons moments au Forum… mais c’est toujours la même chose, on bétonne, on bétonne, on bétonne, il n’y a plus d’espaces verts, de magasins, il n’y a plus rien… »


Maryse, habitante de la tour voisine au Forum

Sur l’image, les principaux représentants du rap sarcellois posent sur le toit du Forum. C’est un cliché désormais connu localement qui rappelle la « belle époque » du rap local. À l’occasion, le Secteur Ä faisait partie de l’avant-garde musicale française et le Forum constituait un espace de rencontre pour les citadins. Avec une certaine nostalgie dans la voix, l’un des assistants déclare : 


« ils ont cassé tous nos souvenirs ».

Tournoi Balisier

CHAPITRE 4 


Jeunes dans la cité : visualités nouvelles

Les Rugbywomen - Soundslideshow

Au terrain de rugby

Installation of the exhibition in Chantereine, Sarcelles.

CHAPITRE 5 

Dans l'intimité des citadins

Jazz boeuf

 Maryse rentre à la Tour Desnos

Maryse dans la cuisine

Maryse, deuil et activités ordinaires

© All rights reserved
Using Format